Moore ne ralentit pas
Cependant, la technique ne peut pas évoluer indéfiniment à ce rythme et Intel (comme tous les autres fabricants de semiconducteurs) ne peut plus garantir cette augmentation de densité tous les deux ans, plutôt à chaque nouvelle génération de processus de fabrication. Pour le moment, ces innovations technologiques semblent plutôt survenir tous les trois à quatre ans : Intel s’est lancé dans un processus à 14 nm en 2014, le 10 nm ne devrait pas arriver avant la fin de cette année (voire début 2018), le 7 nm plutôt à l’horizon 2020-2022.
Avec ce graphique, Intel revient une nouvelle fois sur la concurrence. En effet, la nomenclature des processus est censée correspondre à la taille des transistors gravés, mais les fabricants ne sont généralement pas d’accord sur la manière exacte de mesurer un transistor. Ainsi, les processus 10 nm des concurrents sont équivalents au 14 nm d’Intel, avec donc deux à trois ans de retard (le 10 nm commence à arriver chez TSMC) — même si la capitalisation boursière d’Intel vient de passer juste sous celle de TSMC.
Il n’empêche, malgré cet apparent ralentissement, pour le moment, la densité (c’est-à-dire le nombre de transistors par millimètre carré de puce) fait plus que doubler entre deux générations : avec le 10 nm, elle devrait presque tripler. Intel nomme ce phénomène hyperscaling. En moyenne, la loi de Moore est donc respectée, même si les innovations n’arrivent pas tous les deux ans. L’illusion ne tiendra probablement plus des décennies : la courbe de densité semble se tasser.
Les ingénieurs d’Intel ne travaillent pas exclusivement à la réalisation de nouveaux procédés : en continu, ils cherchent à améliorer les processus existants. Par exemple, l’actuel 14 nm a vu deux révisions depuis son introduction : les 14+ et 14++. Chaque fois, la performance (fréquence d’horloge) et la consommation électrique ont pu être améliorées, sans fondamentalement transformer les usines.
De même, une nouvelle version du processus 22 nm verra le jour, surnommée 22FFL. Sa spécificité sera une très faible consommation d’énergie et un très faible coût, avec une finesse de gravure similaire aux meilleurs processus de la concurrence (alors qu’Intel a déjà largement amorti son infrastructure 22 nm). Il devrait être principalement utilisé par des tiers (la stratégie d’Intel a très longtemps été de ne fabriquer que des puces estampillées Intel) : la firme entre ainsi en concurrence directe avec d’autres acteurs comme TSMC (16FFC) ou Globalfoundries (22FDX).
Grâce à ces améliorations continues de leurs procédés, les fabricants de semiconducteurs peuvent proposer de meilleures puces à un meilleur prix plus régulièrement. Par exemple, la dernière génération de processeurs d’Intel, nommée Kaby Lake, profite de ces améliorations : il s’agit du processeur le moins cher à fabriquer de ces dernières années, étant fabriqué en 14 nm, un procédé utilisé depuis fin 2014.
Pour l’avenir, l’augmentation moyenne de densité devrait se poursuivre selon le même rythme avec les processus en 7 nm et 5 nm. Cependant, même Intel ne peut donner d’estimation de date pour cette dernière technologie. De manière générale, l’industrie semble arrivée à la conclusion qu’il n’y aura plus vraiment de gains après le 5 nm : un atome de silicium mesure approximativement 0,1 nm de diamètre, cela ne laisse qu’une cinquantaine d’atomes pour fabriquer un transistor. Ou alors un autre matériau que le silicium ?
Nouveaux produits
Outre ces détails de fabrication, Intel a annoncé continuer sa cadence actuelle en termes de mise sur le marché de nouveaux processeurs pour le grand public : une nouvelle génération chaque année. Cependant, contrairement à l’usage précédent, ces nouveaux processeurs n’utiliseront pas toujours le processus le plus fin disponible, mais bien « le plus adapté ».
Ainsi, dans la deuxième moitié de 2017, Intel proposera la huitième génération de processeurs Core, toujours gravée en 14 nm. Elle devrait apporter des gains de performance d’au moins quinze pour cent (une relativement faible augmentation, surtout par rapport à ce qu’AMD peut maintenant proposer). Il ne devrait pas s’agir des processeurs Coffee Lake, qui devraient profiter du nouveau processus en 10 nm (qui pourraient correspondre à la neuvième génération… ou à une partie de la huitième). Ces processeurs 10 nm devraient embarquer un peu plus de cent millions de transistors ! (100,8 exactement.) Globalement, cela laisse un certain flou sur la gamme de produits à venir en cette fin d’année.
Sources et images : Intel Holds Pep Rally for Moore’s Law, Intel Technology and Manufacturing Day 2017, Hyperscaling soll jedes Jahr neue Intel-CPUs sichern, Intel macht Globalfoundries und TSMC direkte Konkurrenz, Intel Now Packs 100 million Transistors in Each Square Millimeter.