« Ce projet, appelé Open Computer, permettrait de changer les pièces internes de son ordinateur très facilement via un système de blocs (pas de vis, interchangeable d’une simple pression) », avait annoncé l'un des initiateurs d'Open Computer. Et d'ajouter que : « un algorithme sur notre site permettra également d’identifier les pièces défectueuses du PC pour savoir lesquelles remplacer. »
La modularité du PC reposerait sur 3 niveaux :
- les blocs : les composants principaux de l’ordinateur (RAM, SSD, carte graphique, etc.) sont présents sous forme de blocs. Ils seront conçus pour être le plus accessibles possible, aucune vis ne sera utilisée, et ils seront interchangeables d’une simple pression ;
- les mods : il s'agit des modules complémentaires s’appuyant sur les ports USB C, comme la webcam, le port DisplayPort. Ils seraient ainsi facilement remplaçables et ils seront open hardware ;
- un écran détachable et une interface remplaçable (clavier, touchpad).
La vision de Cairn Devices, la jeune entreprise basée à Strasbourg, créée pour gérer ce projet, est de concevoir un ordinateur libre (système open source et matériels open hardware), même si cela ne sera pas le cas à 100 %. Pour commencer, des composants seront achetés chez des fournisseurs tiers, mais tout ce qui sera conçu par l'entreprise Cairn Devices elle-même sera open hardware. Elle promet également de faire tout son possible pour rendre le PC modulaire le plus libre possible. Ainsi, l'entreprise en grandissant aura la capacité à chaque nouvelle version de l’Open Computer de le rendre un peu plus libre, éventuellement en remplaçant des composants propriétaires par des composants open hardware.
Cairn Devices a été créée en septembre 2016, mais le temps de trouver les fonds nécessaires pour financer le projet, ce n'est qu'en janvier 2019 que l'équipe a repris activement le prototypage. Depuis lors, elle a connu des moments de galère :
- une carte mère qui ne marche pas simplement parce que le fournisseur s’est trompé d’alimentation ;
- ils reçoivent la bonne alimentation, mais sans le bouton d'allumage ;
- le bouton (et la nappe pour le relier à la carte mère) leur est enfin livré, mais la carte mère ne s'allume toujours pas. La puce graphique intégrée n'est pas suffisante (choix du constructeur), elle a donc besoin d'une carte graphique ;
- la carte graphique est livrée, l’écran apparaît enfin, le BIOS et GNU/Linux se lancent, les ventilateurs tournent bien à fond, mais la carte mère s’éteint toujours au bout de 30 secondes. Cause : le circuit présent sur la carte mère était pour un autre type de ventilateur (encore une erreur du fournisseur) ;
- les bons ventilateurs arrivent enfin, mais c'est au tour de la nappe du bouton de prendre un coup. Précisons que deux mois plus tôt, elle était entrée en contact avec une partie conductrice sur la carte mère et un peu de fumée s'était échappé ;
- etc.
Après être venue à bout de tous ces obstacles qui nécessitaient chaque fois d'attendre que les fournisseurs livrent de nouveaux composants, Cairn Devices se dit bien avancée sur son prototype ou preuve de concept de PC GNU/Linux modulaire. Pour le moment, l'objectif est de montrer uniquement que le fonctionnement des blocs est valide, tout en faisant en sorte qu'il soit le moins coûteux possible (utilisation de plastique, imprimante 3D, etc.). Les résultats dont donc bons puisque l’ensemble de l’électronique est fonctionnel. Le PC s’allume, et ils peuvent faire quelques actions sur GNU/Linux. Il ne manque plus que le châssis. Le clavier ne fait pas partie de la preuve de concept, mais ils y travaillent.
Dans le contexte écologique actuel et d'un point de vue du consommateur, tout projet de PC modulaire sera certainement bien accueilli. Rappelons en effet que l'électronique représente le flux de déchets qui croît le plus rapidement dans le monde, avec 50 millions de tonnes produites en 2018. C'est ce qu'a révélé un rapport datant de janvier 2019 de PACE (Platform for Accelerating the Circular Economy), une plateforme lancée par le Forum économique mondial. Ce genre de constat a fait naître des initiatives dans plusieurs pays pour lutter contre l'obsolescence programmée et augmenter la réparabilité des appareils électroniques.
En France par exemple, le gouvernement a abordé l'obligation de proposer des pièces d'occasion et l'indice de réparabilité dans son projet de loi « relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire ». Le gouvernement estime que seules 40 % des pannes des produits électriques et électroniques donnent lieu à une réparation et ambitionne de passer à 60 % d'ici cinq ans. Pour y arriver, il mise donc sur l'instauration d'un indice de réparabilité, qui permettra sans doute de lutter contre l'obsolescence programmée. En complément d'un indice de réparabilité pour les produits électroniques, les industriels se verront dans l'obligation de proposer des pièces de rechange d'occasion à la place des pièces neuves, comme c'est le cas pour les réparations automobiles. Cela veut dire que les produits concernés devraient plus ou moins être modulaires.
Le projet Open Computer vient donc au bon moment, mais qu'en est-il de sa viabilité ? Étant donné que les composants seront issus de fournisseurs tiers, même si le PC est modulaire, les utilisateurs pourront-ils facilement trouver les pièces de rechange qu'il faut pour leur machine ?
Sources : Cairn Devices (Twitter), Cairn Devices (Mastodon)
Que pensez-vous de ce projet ? Est-il viable ou pas ? Si oui, à quelles conditions ? Sinon, pourquoi ?
GNU/Linux est-il le meilleur choix d'OS pour un ordinateur portable modulaire sachant qu'il peine à convaincre les utilisateurs et même les entreprises ?
Si ce PC modulaire devenait une réalité, le choix de GNU/Linux comme OS ne va-t-il pas limiter son intérêt ? Ou va-t-il au contraire inciter les utilisateurs et entreprises à adopter Linux au détriment de Windows ou macOS ?
En parlant de PC modulaire, l'État ne devrait-il faire pression sur les constructeurs afin de s'y mettre pour avoir un impact positif plus significatif sur l'environnement ?
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