S’adressant aux investisseurs lors d’une conférence organisée récemment par Morgan Stanley, une société spécialisée dans la fourniture de services financiers de premier plan à l’échelle mondiale, le CFO (directeur financier) d’Intel, George Davis, a reconnu que son groupe avait pris du retard sur ses concurrents et qu’il lui faudrait au moins deux ans pour les rattraper.
Il faut rappeler qu’Intel touche un peu à tout (SoCs, puces dédiées à la connectivité filaire et sans fil, cartes-mères, modules de stockage, processeurs, GPU, dispositifs IoT…). De ce fait, elle a en face un très grand nombre de concurrents suivant ou les marchés pris en compte. À quels concurrents Intel faisait-il allusion (AMD, Broadcom, Qualcomm, TSMC, Samsung, NVIDIA…) ;?
Lors de son intervention, le CFO d’Intel semble s’être focalisé sur la position de son entreprise sur le marché spécifique des semi-conducteurs, notamment du point de vue fondeur. En effet, les progrès observés dans l’industrie des semi-conducteurs sont à la base de la conception de puces toujours plus petites et performantes. Les avancées intéressant notamment le procédé de gravure exploité pour la fabrication de ces puces (qu’il s’agisse de microprocesseurs, de mémoires, de circuits logiques programmables, de SoCs ou autres) peuvent être considérées comme un facteur déterminant de cette évolution.
Pendant de nombreuses années, la firme de Santa Clara était vue comme le leadeur incontesté de l’industrie des semi-conducteurs principalement en raison de l’avance qu’il avait sur ses concurrents en matière de technologie de gravure pour la fabrication des puces. Les choses ont changé depuis, le fondeur US fait face à une concurrence rude de deux entreprises asiatiques – Samsung et TSMC en l’occurrence – qui en tant que fondeur proposent désormais des technologies de pointe supplantant l’offre d’Intel.
Pour ne rien arranger, les concurrents d’Intel sur d’autres marchés (notamment des processeurs, des circuits graphiques et puces pour mobiles) exploitent les capacités des fondeurs concurrents d’Intel pour concevoir des produits qui mettent à mal ou surclassent les produits équivalents fournis par le fondeur de Santa Clara. Cette situation s’illustre clairement par le retour au-devant de la scène de l’entreprise AMD sur le marché des processeurs x86, grâce à une nouvelle architecture (Zen) dont le niveau de performance est en grande partie conditionné par le procédé de gravure utilisé pour la conception des CPU (et c’est là le rôle clé de TSMC).
Actuellement, les procédés de gravure les plus utilisés sont le 14 nm chez Intel et le 7 nm chez AMD et les fabricants de puces pour mobiles. Intel a du mal à finaliser son procédé de gravure en 10 nm, une technologie qui serait équivalente (du point de vue de la densité) au procédé de gravure en 7 nm fourni par la concurrence. Pour l’heure, TSMC et Samsung proposent des technologies de gravure en 7 nm / 7 nm+ qui sont bien plus performantes que la technologie de gravure mature / dépassée d’Intel en 14 nm (ainsi que toutes ses variantes de 14 nm ++++++) et bien plus abouties que le procédé de gravure en 10 nm d’Intel. TSMC travaille même déjà sur des procédés de gravure plus avancés en 5 et 3 nm.
D’après George Davis, cet écart signifie que la génération de processeurs d’Intel gravée en 10 nm ne sera pas aussi productive que ceux de la génération précédente avec leurs déclinaisons interminables (14 nm++++++). Dans l’immédiat, Intel entend remédier à cette situation désavantageuse en procédant à des améliorations au niveau de la plateforme, ce qui inclut une intégration matérielle étroite sur le front de l’IA et des logiciels. Le fondeur américain a bon espoir de rattraper TSMC d’ici fin 2021 (grâce au déploiement d’un procédé de gravure en 10 nm beaucoup plus mature et d’un procédé de gravure en 7 nm susceptible de tacler la concurrence), alors que le fondeur taïwanais prévoit d’introduire un procédé de gravure en 3 nm d’ici la fin 2022.
En essayant de lire entre les lignes, on peut conclure qu’Intel reconnait sans le dire de façon explicite qu’il ne propose plus de produits à la pointe de la technologie et de ce fait n’est probablement plus le leadeur de l’industrie des semi-conducteurs – autrement dit, ses nombreux concurrents (AMD, TSMC, NVIDIA, Qualcomm, Samsung, Huawei…) ont probablement encore au moins deux ans d’avance sur l’offre Intel.
Source : Morgan Stanley conference
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Prédiction optimiste ou totalement irréaliste ?
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Le , par Christian Olivier
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