La Chine continue de multiplier des manœuvres pour réduire sa dépendance à l'égard de la technologie américaine. Alors que Washington est en train de resserrer ses restrictions technologiques à l'égard de ce pays et de ses entreprises technologiques, les fonds soutenus par l'État chinois ont injecté 2,25 milliards de dollars dans une usine de fabrication de plaquettes de Semiconductor Manufacturing International Corp. (SMIC), l'un des principaux producteurs de semi-conducteurs de Chine, pour soutenir la fabrication de puces avancées, a rapporté Bloomberg.
Le capital social de l'usine de Semiconductor Manufacturing International Corp. passe par conséquent de 3,5 à 6,5 milliards de dollars après l'investissement, a déclaré la société dans une annonce publiée en chinois vendredi. La participation du fabricant de puces dans l'usine de Shanghai passera de 50,1 % à 38,5 %, selon Bloomberg. L'usine a une capacité de production de 6 000 plaquettes de 14 nanomètres par mois et prévoit de la porter à 35 000, soit une augmentation d’environ six fois.
SMIC est l'une des nombreuses entreprises de fabrication de puces qui incarnent l'espoir de Pékin de créer une industrie de semi-conducteurs autonome et de classe mondiale. La société cotée à Hong Kong, un fabricant de puces sur lequel Pékin compte pour réduire sa dépendance à l'égard de la technologie américaine, prévoyait un peu plus tôt ce mois une vente de jusqu'à 1,69 milliard de nouvelles actions sur le marché de Shanghai, selon Bloomberg.
SMIC prévoyait d'utiliser les recettes de cette vente pour développer la fabrication de puces de nouvelle génération afin d'essayer de concurrencer Intel Corp. et Taiwan Semiconductor Manufacturing Co. (TSMC). Cet effort intervient à un moment où l'administration Trump se préparait à renforcer les restrictions sur la vente de technologies à la Chine, menaçant de refuser aux entreprises nationales comme SMIC ou Huawei Technologies Co. l'accès à des composants et circuits essentiels.
« Stratégiquement, nous pensons que le SMIC coupe progressivement ses liens avec les marchés financiers américains, alors que la tension entre les États-Unis et la Chine s'intensifie à cause du Covid-19 et qu'un nouveau cycle de guerre commerciale se prépare », avaient écrit les analystes de Bernstein dans une note, d’après Bloomberg.
Washington a modifié ses règles pour empêcher Huawei de concevoir et de produire ses propres puces
Ce nouvel investissement chinois intervient alors que Washington a pris des mesures pour empêcher les ventes à Huawei Technologies par des fabricants de puces utilisant la technologie américaine. Le ministère du Commerce a déclaré vendredi qu'il exigerait des licences avant d'autoriser l'utilisation de la technologie américaine par l'entreprise chinoise ou ses 114 filiales, dont son unité de conception de puces HiSilicon.
Dans un communiqué publié le 13 mai, la Maison-Blanche a décidé de prolonger un décret signé en mai 2019 qui interdit aux entreprises américaines d'utiliser des équipements de télécommunications fabriqués par des entreprises « présentant un risque pour la sécurité nationale », parmi lesquelles figurent Huawei ou encore ZTE. Selon l’administration Trump, « les technologies ou de services d'information et de communication conçus, développés, fabriqués ou fournis par des personnes détenues, contrôlées ou soumises à la juridiction ou à la direction d'adversaires étrangers » comme Huawei et ses filiales continuent de constituer une menace contre les Etats-Unis. Pour cette raison, l'urgence nationale déclarée le 15 mai 2019 doit se poursuivre jusqu’en 2021.
Les actions de la Maison-Blanche ne se sont pas arrêtées là, la semaine dernière. Vendredi dernier, elle a décidé de bloquer les expéditions de semi-conducteurs vers Huawei Technologies par les fabricants de puces, non seulement aux USA, mais dans tout le monde entier. Le département américain du Commerce a déclaré qu’il modifiait une règle d’exportation pour « cibler stratégiquement l’acquisition de semi-conducteurs par Huawei qui sont le produit direct de certains logiciels et technologies américains ». Le ministère a ajouté que « l’annonce met fin aux efforts de Huawei pour saper les contrôles à l’exportation des États-Unis ».
Ce changement de règle élargit l'autorité américaine pour exiger des licences pour la vente à Huawei de semi-conducteurs fabriqués à l'étranger avec la technologie américaine, élargissant considérablement sa portée pour arrêter les exportations vers l'équipementier chinois. « Cette action fait passer l'Amérique en premier, les entreprises américaines en premier et la sécurité nationale américaine en premier », a déclaré un haut responsable du Département du Commerce. La plupart des fabricants de puces s’appuient sur des équipements produits par des sociétés américaines comme KLA, Lam Research et Applied Materials, selon un rapport publié l’an dernier par la société chinoise Everbright Securities.
La Chine a réagi spontanément à cette décision avec un rapport publié le même vendredi par le biais de Global Times, un quotidien chinois, indiquant que Pékin était prêt à placer les entreprises américaines sur une "liste d'entités non fiables", dans le cadre de contre-mesures en réponse aux au plan américain visant à bloquer les livraisons de semi-conducteurs à Huawei. La Chine a également déclaré être prête à lancer des enquêtes, à imposer des restrictions à des sociétés américaines telles qu'Apple, et à arrêter l'achat d'avions Boeing, d’après le quotidien chinois.
Tous les fabricants de puces du monde, y compris TSMC et SMIC, ont besoin de l'équipement des entreprises américaines pour fabriquer des puces pour tout, des smartphones aux superordinateurs. Mais la dernière mesure touche TSMC de manière disproportionnée, car elle compte sur Huawei pour environ 10 % de ses revenus, selon les estimations de Bloomberg.
« Nous suivons de près le changement des règles d'exportation américaines », a déclaré la TSMC dans un communiqué, suite à la décision américaine. « La chaîne d'approvisionnement de l'industrie des semi-conducteurs est extrêmement complexe, et est desservie par un large éventail de fournisseurs internationaux. Faisant partie de l'écosystème mondial des semi-conducteurs, TSMC entretient des collaborations à long terme avec des partenaires d'équipement du monde entier, y compris ceux situés aux États-Unis ».
« La Chine prendra des contre-mesures énergiques pour protéger ses propres droits légitimes », si les États-Unis vont de l'avant avec le plan visant à empêcher les fournisseurs essentiels de puces, y compris TSMC basé à Taiwan, de vendre des puces à Huawei, a déclaré une source au Global Times dans une interview exclusive.
Avec ce nouvel investissement, la Chine parie sur le fabricant de puces local pour pouvoir réduire la dépendance du pays à l'égard de la technologie américaine. Huawei a pris un bon nombre de décisions stratégiques pour aller de l’avant alors que les mesures de restrictions américaines persistent et qu’il est privé des ressources comme les applications Google sur ses smartphones. Mais jusqu’à quand ses premières puces seront-elles exportées à partir de ses propres usines ?
Source : Bloomberg
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Le , par Stan Adkens
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