Pendant de nombreuses années, la firme de Santa Clara était vue comme le leader incontesté de l’industrie des semi-conducteurs principalement en raison de l’avance qu’elle avait sur ses concurrents en matière de technologie de gravure pour la fabrication des puces. Les choses ont changé depuis, le fondeur US fait face à une concurrence rude de deux entreprises asiatiques – Samsung et TSMC en l’occurrence – qui, en tant que fondeur, proposent désormais des technologies de pointe supplantant l’offre d’Intel.
Pour ne rien arranger, les concurrents d’Intel sur d’autres marchés (notamment des processeurs, des circuits graphiques et puces pour mobiles) exploitent les capacités des fondeurs concurrents d’Intel pour concevoir des produits qui mettent à mal ou surclassent les produits équivalents fournis par le fondeur de Santa Clara. Cette situation s’illustre clairement par le retour au-devant de la scène de l’entreprise AMD sur le marché des processeurs x86, grâce à une nouvelle architecture (Zen) dont le niveau de performance est en grande partie conditionné par le procédé de gravure utilisé pour la conception des CPU (et c’est là le rôle clé de TSMC).
Actuellement, les procédés de gravure les plus utilisés sont le 14 nm chez Intel et le 7 nm chez AMD et les fabricants de puces pour mobiles. Intel a du mal à finaliser son procédé de gravure en 10 nm, une technologie qui serait équivalente (du point de vue de la densité) au procédé de gravure en 7 nm fourni par la concurrence. Pour l’heure, TSMC et Samsung proposent des technologies de gravure en 7 nm / 7 nm+ qui sont bien plus performantes que la technologie de gravure mature / dépassée d’Intel en 14 nm (ainsi que toutes ses variantes de 14 nm ++++++) et bien plus abouties que le procédé de gravure en 10 nm d’Intel. TSMC travaille même déjà sur des procédés de gravure plus avancés en 5 et 3 nm.
Le PDG d'Intel Corp., Bob Swan, a passé près d'une heure jeudi à discuter d'une idée qui aurait été impensable autrefois pour la plus grande société mondiale de semi-conducteurs : ne pas fabriquer ses propres puces. L'externalisation est la norme dans l'industrie de 400 milliards de dollars de nos jours, mais depuis 50 ans, Intel a combiné la conception de puces avec la production en interne. Et jusqu'à récemment, Intel prévoyait même de produire des processeurs pour d'autres.
« Dans la mesure où nous devons utiliser la technologie de processus de quelqu'un d'autre et que nous appelons ces plans d'urgence, nous serons prêts à le faire », a déclaré Swan aux analystes lors d'une conférence téléphonique, après que la société ait averti d'un autre processus de production retardé. « Cela nous donne beaucoup plus d'options et de flexibilité. Donc, dans le cas où il y aurait une erreur de processus, nous pouvons essayer quelque chose plutôt que de tout faire nous-mêmes ».
Poursuivre dans cette option représenterait un énorme changement dans l'industrie et la fin du plus grand facteur de différenciation d'Intel, a déclaré l'analyste de Cowen & Co., Matt Ramsay.
La conception ne peut pas faire grand-chose pour les performances des semi-conducteurs. C'est l'étape de fabrication qui est cruciale pour garantir que ces composants puissent stocker plus de données, traiter les informations plus rapidement et utiliser moins d'énergie. La combinaison des deux a aidé Intel à améliorer les deux côtés de son fonctionnement pendant des décennies.
Cependant, Taiwan Semiconductor Manufacturing Co. a réussi en se concentrant uniquement sur la production et en laissant la conception à d'autres entreprises. Ses usines ont dépassé Intel en capacités. Et cela a aidé les concurrents d'Intel, à l'instar d'Advanced Micro Devices Inc., à rattraper leur retard en matière de performances.
Depuis la technologie de 14 nanomètres lancée en 2014, Intel est devenu coutumier des retards. Mais c'est sa technologie de 10 nanomètres qui a le plus défrayé la chronique. Son lancement en production a subi pas moins de quatre reports, occasionnant un retard de plus de trois ans sur le planning initial. Le groupe s'est trouvé alors devancé dans les technologies de production par TSMC et Samsung. Après avoir rencontré d'innombrables problèmes avec son procédé de gravure en 10 nm, la société avait finalement commercialisé ses premiers produits de masse près de cinq ans après ses premières dates prévisionnelles. Et si, au final, certains voyaient ce 10 nm comme un point d'étape vite oublié par un passage rapide à un procédé 7 nm plus abouti, il n'est pas certain que l'avenir soit aussi radieux.
Bob Swan, qui a pris officiellement les rênes de l’entreprise en janvier 2019, avait promis le lancement de la technologie de 7 nanomètres à la fin de 2021. De quoi mettre Intel à parité technologique avec ses deux compétiteurs technologiques, puisque sa technologie de 7 nanomètres est considérée comme équivalente en densité, performances et consommation à celle de 5 nanomètres que TSMC a déjà mis en production au deuxième trimestre 2020, notamment pour la fabrication de la puce A14 Bionic du prochain iPhone 12 d’Apple.
Il n'en sera rien : Bob Swan a annoncé que le 7 nm posait également des soucis de rendement. L'affaire ne semble pas simple à gérer, car elle occasionne un retard d'un an pour la mise en œuvre de ce procédé de gravure. Intel ne peut plus se permettre d’être à la traîne, perdant des parts de marchés face à ses concurrents AMD, Nvidia, Qualcomm, Broadcom, Marvell ou encore Xilinx, concurrents qui bénéficient des technologies de production nec plus ultra en faisant fabriquer leurs puces par TSMC ou Samsung. Intel a décidé de ravaler sa fierté et de faire comme ses concurrents en confiant la fabrication de ses futurs processeurs les plus avancés à d'autres fondeurs. Bob Swan n’a pas dit s’il ferait appel aux services de TSMC, de Samsung ou des deux.
En tout état de cause, Intel vise désormais la fin 2022, voire le début 2023 pour diffuser ses premiers produits exploitant le 7 nm. Rien n'indique cependant qu'il s'agira à ce moment-là de la production de masse de toute une gamme de produits.
« Vous n’avez plus besoin de lire entre les lignes », a déclaré Stacy Rasgon, analyste chez Sanford C. Bernstein. « Le peu de crédibilité dont ils disposaient s'est déjà volatilisé ».
La déclaration de Bob Swan a fait chuter les actions d'Intel de 18% vendredi matin.
Le plan de sauvetage d'Intel signifie qu'il peut utiliser TSMC pour fabriquer ses puces. Mais ce ne sera pas facile, selon Ramsay de Cowen. Les autres clients de TSMC, qui sont en concurrence avec Intel, s'opposeraient probablement à ce que la société taïwanaise donne la priorité aux conceptions d'Intel, a-t-il déclaré.
Et TSMC serait probablement réticent à construire beaucoup de nouvelles capacités de production pour Intel tant qu'il y a une chance que la société américaine puisse revenir plus tard sur le devant de la scène en tant que fondeur.
Mais Rasgon de Bernstein pense autrement : « ils ne peuvent pas aller chez TSMC parce qu’il n’en a pas la capacité ».
Quoi qu'il en soit, Swan a essayé de donner une tournure positive à cette situation lorsqu'il a terminé la conférence téléphonique : « la flexibilité n'est pas un signe de faiblesse », a-t-il rappelé.
Néanmoins, selon le bilan financier de son deuxième trimestre 2020, les revenus d’Intel sont à la hausse. En trois mois, le fabricant électronique américain a enregistré 19,7 milliards de dollars de revenus. Il profite ainsi d’une augmentation, d’une année sur l’autre, de 20%. Sa division Client Computing Group, chargée de la production et du déploiement sur le marché des microprocesseurs pour PC portables et fixes, bénéficie d’une augmentation de 7%, en comparaison aux chiffres de la même période de 2019, avec 9,5 milliards de dollars gagnés. Intel aurait grandement bénéficié du confinement général de plusieurs pays. En effet, de nombreux professionnels, forcés de passer par le télétravail, se sont rués en masse sur les ordinateurs portables composés des produits Intel.
Source : Intel
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Confronté à des difficultés de rendement avec la gravure en 7 nm, Intel annonce qu'il ne va pas fabriquer ses propres puces
Et repousse leur sortie d'un an
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Le , par Stéphane le calme
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