Nvidia a annoncé son intention d'acquérir ARM en septembre 2020. À l'époque, le PDG de Nvidia, Jensen Huang, avait déclaré que cette acquisition allait lui permettre "de créer une entreprise fabuleusement positionnée pour l'ère de l'IA". Cependant, les conceptions d'ARM sont utilisées sous licence presque universellement dans les smartphones et autres appareils mobiles par des entreprises comme Apple, Qualcomm, Microsoft, Samsung, Intel et Amazon. De nombreux acteurs de l'industrie craignent que ces entreprises se retrouvent "à la merci de Nvidia" après l'opération. Un mouvement de contestation s'en est donc suivi.
Les régulateurs étatiques s'en sont également mêlés. Le Royaume-Uni, qui abrite le siège social d'ARM, a lancé une enquête antitrust sur l'acquisition en janvier 2021, et une autre enquête de sécurité en novembre dernier. Aux États-Unis, la FTC (Federal Trade Commission) a récemment intenté une action en justice pour bloquer l'achat, craignant qu'il n'"étouffe" la concurrence dans des secteurs comme les centres de données et la construction automobile. Les craintes ont été exacerbées par la pénurie de semi-conducteurs qui secoue actuellement l'industrie. Pour les régulateurs et les contestataires, ARM devrait rester la "Suisse des semi-conducteurs".
En outre, selon des sources, des sociétés comme Intel, Amazon et Microsoft auraient donné aux régulateurs suffisamment d'informations pour empêcher la transaction. Elles ont précédemment fait valoir que Nvidia ne peut pas préserver l'indépendance d'ARM, car il est lui-même client d'ARM. Ainsi, il pourrait potentiellement devenir à la fois un fournisseur et un concurrent des détenteurs de licences ARM. « Nous continuons à défendre le point de vue exprimé en détail dans nos derniers documents réglementaires, à savoir que cette transaction offre l'occasion d'accélérer ARM et de stimuler la concurrence et l'innovation », a déclaré Nvidia en réponse aux critiques.
Par ailleurs, la Chine pourrait également bloquer la transaction si les autres régulateurs ne le font pas. Dans le contexte actuel de guerre commercial entre la Chine et les États-Unis, les régulateurs chinois, inquiets de voir une technologie clef tomber dans les mains d'une entreprise américaine, remettent également en question l'accord. La Chine serait de plus en plus préoccupée par le fait qu'elle ne contrôle pas les technologies clefs, notamment celles liées aux semi-conducteurs. Elle dépenserait plus d'argent pour importer des semi-conducteurs que pour importer du pétrole, et les puces ARM sont aussi omniprésentes en Chine qu'ailleurs.
Le Parti communiste chinois est sans doute frustré par les récentes tentatives américaines de limiter la compétitivité du pays sur le marché des semi-conducteurs. En 2019, l'administration Trump a fait pression sur le gouvernement néerlandais pour empêcher une entreprise chinoise d'acheter des machines de lithographie par ultraviolets extrêmes fabriquées par la société néerlandaise ASML. Ces machines sont quasiment indispensables pour fabriquer des puces de moins de 7 nm. Un an plus tard, les autorités américaines ont imposé des sanctions à Huawei, l'empêchant d'acheter des puces de pointe fabriquées par TSMC.
En raison de ces antécédents, les autorités chinoises pourraient bien s'opposer à la transaction Nvidia-Arm. « Nous gardons l'espoir que la transaction sera approuvée », a déclaré un porte-parole de SoftBank cette semaine. Cependant, selon des personnes proches du dossier, Nvidia a dit à ses partenaires qu'il ne s'attendait pas à ce que l'opération soit finalisée. L'entreprise n'aurait fait que peu ou pas de progrès dans l'obtention de l'approbation réglementaire pour le rachat d'ARM, à un prix estimé à environ 40 milliards de dollars. Le prix des actions de Nvidia avait presque doublé lorsque le rachat a été annoncé en septembre 2020.
Mais il était en baisse de près de 5 % dans les échanges matinaux à suite de la nouvelle. Selon les sources, d'autres personnes au sein de Nvidia veulent poursuivre la transaction, malgré ces vents contraires. L'accord initial expire le 13 septembre 2022, mais selon les sources, il sera automatiquement renouvelé si les approbations prennent plus de temps. Nvidia avait prédit que la transaction serait conclue dans environ 18 mois - un délai qui semble désormais irréaliste. Entre-temps, SoftBank, propriétaire actuel d'ARM, serait en train d'avancer un programme visant à rendre ARM public comme alternative à l'acquisition.
ARM est souvent considéré comme le "joyau de la couronne" de l'industrie technologique britannique. Ses architectures de puces à haut rendement énergétique sont utilisées dans 95 % des smartphones dans le monde et dans 95 % des puces conçues en Chine. L'entreprise gagne de l'argent grâce aux redevances versées par les fabricants.
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