Les États-Unis ont commencé à restreindre jeudi dernier les exportations vers la Russie d'un large éventail de produits technologiques locaux, mais aussi de biens fabriqués à l'étranger à partir de technologies américaines en réponse à son invasion de l'Ukraine. Ainsi, ce week-end, Intel et AMD auraient informé verbalement les fabricants russes que les deux sociétés respectent l'interdiction de fournir des processeurs à la Russie. Cette interdiction sur la technologie et les exportations doit prendre effet le 3 mars, bien que certains rapports suggèrent qu'Intel et AMD ont déjà interrompu leurs livraisons. La nouvelle est venue en premier des médias russes.
Ces derniers ont indiqué que les suspensions ont été confirmées par l'Association des développeurs et des fabricants d'électronique russes (ARPE). En outre, les entreprises informatiques chinoises auraient été informées également par Intel que les ventes à la Russie étaient interdites. Intel a fourni le commentaire suivant à Tom's Hardware : « Intel se conforme à toutes les réglementations et sanctions applicables en matière d'exportation dans les pays où elle opère, y compris les nouvelles sanctions émises par l'OFAC [Office of Foreign Assets Control] et les réglementations émises par le BIS [Bureau of Industry and Security] ».
Toutefois, si cette information est exacte, il est important de noter que l'interdiction des livraisons de puces d'Intel et d'AMD à la Russie ne concerne pas les "appareils électroniques grand public", notamment les ordinateurs personnels, les téléphones mobiles, les appareils photo numériques, etc. Cela signifie que les ventes de la plupart des puces destinées aux consommateurs, comme les puces Ryzen d'AMD et Core d'Intel, ne seront probablement pas affectées. Au lieu de cela, les nouvelles restrictions visent principalement les puces à usage militaire ou les puces à double usage qui pourraient être utilisées à des fins civiles et militaires.
Elles devraient également s'appliquer aux entités gouvernementales ou aux personnes expressément sanctionnées par Washington. Cela comprend le président russe Vladimir Poutine, le Premier ministre, les vice-premiers ministres, les ministres fédéraux, les députés de la Douma et les membres du Conseil de la Fédération, les rédacteurs en chef et les rédacteurs en chef adjoints des médias d'État. Il est important de noter que ces restrictions américaines s'apparentent aux sanctions imposées à Huawei en 2019 au plus fort de la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis, mais elles s'appliquent aujourd'hui à un pays entier - une première.
Pour l'instant, l'ampleur des ventes interrompues n'est pas encore connue. Elles pourraient nuire considérablement à l'économie russe à long terme, car les entreprises ne pourront pas mettre à niveau, remplacer ou développer l'utilisation des serveurs pour le cloud computing et le stockage des données. Il en va de même pour l'utilisation de "superordinateurs" pour le traitement lourd des données. Des exceptions pourraient être faites si les entreprises demandent et obtiennent des licences spéciales d'exportation, mais ce processus pourrait durer plusieurs mois. La Russie semble s'y être préparée, mais l'on ignore si elle a pris en compte tous les scénarios possibles.
Elle se prépare depuis des années à faire face à d'éventuelles sanctions, notamment à la suite des sanctions internationales de 2014 après l'annexion de la Crimée, en promouvant sa propre production de semiconducteurs et en stockant des puces en prévision d'un tel événement. Cependant, les puces russes conçues par des sociétés telles que Baikal et MCST sont en fait fabriquées par la société taïwanaise TSMC, qui aurait accepté de suspendre ses ventes au pays pour se conformer aux nouvelles restrictions à l'exportation. Cela signifie que l'approvisionnement de la Russie en puces conçues localement pourrait également être interrompu.
Toutefois, des sources proches du dossier ont indiqué qu'à l'heure actuelle, le fondeur de puces n'a pas officiellement fait savoir aux autorités russes qu'il allait bloquer la production de processeurs russes. Si l'interdiction prend effet, il reste à voir quelles autres voies la Russie pourrait emprunter pour se procurer des puces. Selon des analystes du secteur des semiconducteurs, passer par la Chine semble être la voie la plus évidente, d'autant que les deux pays semblent avoir une alliance stratégique étroite. Mais nonobstant ces voies détournées et en tirant parti des manœuvres de réexportation, les prix de ces composants pourraient augmenter de 30 %.
Par ailleurs, des questions subsistent aussi sur la distinction entre l'utilisation par les consommateurs et l'utilisation industrielle des appareils, y compris les ordinateurs préassemblés, et sur la manière dont les entreprises américaines vont s'y retrouver dans les sanctions. NVIDIA - l'un des plus importants fournisseurs de GPU pour les services, l'IA et l'utilisation industrielle - n'a pour l'instant pas commenté les nouvelles règles du BIS. En attendant, des appels similaires ont été lancés à Microsoft pour qu'il interdise l'exportation de logiciels vers la Russie, mais l'entreprise n'a encore fait aucun commentaire à ce jour.
Enfin, d'autres sources estiment que si des sociétés comme Intel et AMD suspendent leurs ventes immédiatement, cela n'aura pas un impact dévastateur immédiat sur l'industrie. Selon la Semiconductor Industry Association, le gouvernement russe représente moins de 0,1 % des achats mondiaux de puces, tandis que le marché russe au sens large représente environ 50,3 milliards de dollars sur un marché mondial des semiconducteurs de 4 470 milliards de dollars.
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