L'Union européenne a adopté mardi un plan de 43 milliards d'euros (47 milliards de dollars) pour son industrie des semiconducteurs, afin de rattraper les États-Unis et l'Asie et de lancer une révolution industrielle verte. La loi européenne sur les puces vise à doubler la part de l'UE dans la production mondiale de semiconducteurs pour la porter à 20 % d'ici à 2030, et fait suite à la loi américaine sur les puces (US Chips and Science Act) adoptée en août 2022. La loi américaine vise une subvention de 52 milliards de dollars. Les entreprises asiatiques, en particulier celles de Chine et de Taïwan, dominent actuellement la fabrication et l'exportation de puces électroniques.
La loi européenne sur les puces (EU Chips Act), proposée par la Commission européenne l'année dernière, vise à doubler la part de l'Union dans la production mondiale de puces pour la porter à 20 % d'ici à 2030. Il est vital que l'UE réduise sa dépendance à l'égard des importations en provenance d'Asie et des États-Unis et atténue les risques géopolitiques. Les futures industries européennes devraient bénéficier de capacités de fabrication de puces basées en Europe et à la pointe de la technologie. La Commission souhaite que la capacité de production locale de puces corresponde à la demande des marchés finaux européens d'ici la fin de la décennie.
Ainsi, l'économie européenne sera moins exposée aux perturbations de la chaîne d'approvisionnement, mais elle pourra aussi participer pleinement aux développements dans le domaine de l'intelligence artificielle (IA) et des systèmes industriels autonomes, où les innovations de pointe en matière de semiconducteurs joueront un rôle crucial. En fait, tous les secteurs qui utiliseront des systèmes d'IA auront besoin de semiconducteurs avancés. L'UE veut donc prendre part à ces développements pour rester pertinente et compétitive. L'ambition de l'UE fait également suite à un plan similaire de 52 milliards de dollars dévoilé en 2021 par les États-Unis.
Les entreprises asiatiques, en particulier celles de Chine et de Taïwan, dominent actuellement la fabrication et l'exportation de ces puces. Taïwan représente plus de 60 % de la production mondiale de puces et les tensions accrues entre Taipei et Pékin suscitent de plus en plus d'inquiétudes. Mardi, l'UE a adopté un plan de 43 milliards d'euros (47 milliards de dollars) pour subventionner son industrie des semiconducteurs, afin de rattraper les États-Unis et l'Asie et de lancer une révolution industrielle verte. Selon les responsables de l'UE, ce nouveau plan de subvention permettra d'accroître la production de puces et d'accélérer la transition énergétique.
Le financement devrait provenir du budget communautaire existant et l'accord assouplira également les règles en matière d'aide d'État pour permettre de dépenser de l'argent dans le développement de centres de production de ce composant clé. Ursula von der Leyen, cheffe de la Commission européenne, a déclaré que le financement permettra à l'industrie européenne des puces d'être plus compétitive et de jeter les bases d'une part de marché mondiale. La présidente de la Commission européenne a ajouté que le plan alimentera une industrie des technologies propres fabriquée en Europe et renforcera la résilience et la souveraineté numériques de l'UE.
La loi de l'UE sur les puces a été accueillie favorablement par les acteurs de l'industrie qui ont déclaré qu'elle apporterait des capacités de fabrication, des compétences et des améliorations en matière de recherche et de développement. La législation a déjà suscité l'intérêt d'Intel, qui a choisi l'Allemagne pour y implanter un nouveau grand complexe de fabrication de puces, soutenu par des subventions de 6,8 milliards d'euros. STMicroelectronics, une multinationale franco-italienne basée en Suisse, s'est également associée à GlobalFoundries et la société taïwanaise TSMC est en pourparlers avec l'État allemand de Saxe en vue d'y construire une usine.
Selon un fonctionnaire de l'UE, le bloc a attiré plus de 100 milliards d'euros d'investissements publics et privés depuis l'annonce de son plan de subvention des puces l'année dernière. Mais selon des analystes tels que Paul Triolo, spécialiste de la Chine et des technologies au Center for Strategic & International Studies (CSIS), basé à Washington, l'UE pourrait avoir du mal à combler le fossé qui la sépare de ses rivaux. « L'élément critique de l'équation que l'UE devra résoudre, comme pour les États-Unis, est de savoir dans quelle mesure les chaînes d'approvisionnement qui soutiennent l'industrie peuvent être déplacées vers l'UE et le coût nécessaire à cela », a déclaré Triolo.
En outre, selon Richard Windsor, de la société de recherche Radio Free Mobile, les subventions relativement modestes de l'Europe pourraient la freiner dans ses plans. « Les subventions seront probablement inférieures à celles disponibles en Asie, ce qui souligne une fois de plus que les semiconducteurs sont actuellement une question de géopolitique et non d'économie », a-t-il écrit dans une note à l'intention des clients avant l'accord de l'UE. La Corée du Sud, où sont implantés des acteurs comme Samsung, a également dévoilé des plans visant à dépenser des centaines de milliards de dollars pour stimuler la fabrication de puces au cours de cette décennie.
Taïwan, où se trouve TSMC, le Japon, l'Inde, le Viêt Nam et la Thaïlande travaillent tous sur des mesures d'incitation visant à attirer les fabricants de puces dans leur pays. « L'Europe et les États-Unis auront du mal à rivaliser avec l'Asie », a déclaré Windsor. Par ailleurs, Christopher Cytera, chercheur au Center for European Policy Analysis (CEPA), a déclaré que la loi de l'UE sur les puces est un bon début étant donné que l'UE n'a pas d'autre choix que de participer à la course aux subventions, mais l'Union devrait jouer sur ses points forts en matière de fabrication de puces. Elle renferme plusieurs entreprises leaders dans certains domaines clés.
La société néerlandaise ASML domine la fabrication des machines nécessaires à la production des dernières puces utilisées dans les téléphones et les voitures, la société allemande Zeiss est leader dans le domaine des lentilles de lunettes et d'appareils photo, tandis que les entreprises belge Solvay et allemande BASF fournissent des produits chimiques essentiels. Cependant, selon des experts de l'industrie, la bureaucratie de l'UE, qui exige l'accord des 27 États membres, pourrait toutefois poser problème. Les experts estiment qu'une rivalité pourrait s'installer entre les États membres de l'UE sur l'octroi des financements et sur les entreprises bénéficiaires.
« Les États-Unis peuvent faire approuver l'argent par le Congrès, mais l'Europe doit passer par tous les États membres et si la France et l'Allemagne en bénéficient, c'est un peu un problème », a déclaré Cytera. Selon Anielle Guedes, analyste de recherche senior chez IDC Technologies, pour rattraper la course aux puces, il ne suffit pas de construire des usines et le Chips Act le reconnaît en mettant l'accent sur le développement d'une main-d'œuvre qualifiée pour l'avenir. « L'une des choses dont l'industrie a le plus besoin aujourd'hui est d'améliorer le profil des personnes qui travailleront dans l'industrie dans les années à venir », a-t-elle déclaré.
« Sinon, vous pouvez investir de l'argent dans des installations de production, mais ce n'est pas le genre de choses dans lesquelles vous pouvez injecter des capitaux et sortir de l'autre côté avec la technologie que vous voulez », a-t-elle ajouté. Pendant ce temps, un nouveau rapport de Reuters indique que, alors que la Commission avait initialement proposé de ne financer que les usines de fabrication de puces de pointe, les gouvernements et les législateurs de l'UE ont élargi le champ d'application pour couvrir l'ensemble de la chaîne de valeur, y compris les puces plus anciennes et les installations de recherche et de conception.
Selon Rem Korteweg, de l'Institut Clingendael, toutes les mesures visant à stimuler la production pourraient créer leurs propres problèmes à l'avenir, lorsque les chaînes d'approvisionnement mondiales reviendront à des niveaux normaux. « Il y a déjà des indications que le pire pourrait être passé en ce qui concerne le resserrement des semiconducteurs, de sorte que nous pourrions avoir le risque d'une offre excédentaire fortement subventionnée dans quelques années », a-t-il déclaré.
Source : Communiqué de presse de l'UE
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Le , par Bill Fassinou
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