La loi européenne sur les puces (EU Chips Act), proposée par la Commission européenne en février 2022, vise à doubler la part de l'Union dans la production mondiale de puces pour la porter à 20 % d'ici à 2030. Il est vital que le bloc réduise sa dépendance à l'égard des importations en provenance d'Asie et des États-Unis et atténue les risques géopolitiques. Les futures industries européennes devraient bénéficier de capacités de fabrication de puces basées en Europe et à la pointe de la technologie. La Commission souhaite que la capacité de production locale de puces corresponde à la demande des marchés finaux européens d'ici la fin de la décennie.
L'économie européenne sera ainsi moins exposée aux perturbations de la chaîne d'approvisionnement, mais elle pourra aussi participer pleinement aux développements dans le domaine de l'intelligence artificielle (IA) et des systèmes industriels autonomes, où les innovations de pointe en matière de semiconducteurs joueront un rôle crucial. En fait, tous les secteurs qui utiliseront des systèmes d'IA auront besoin de semiconducteurs avancés. L'UE veut donc prendre part à ces développements pour rester pertinente et compétitive. L'ambition de l'UE fait également suite à un plan similaire de 52 milliards de dollars dévoilé en 2021 par les États-Unis.
Qualifié de projet important d'intérêt européen commun (Project of Common European Interest - IPCEI), le financement annoncé jeudi vise les projets de recherche et de développement dans le domaine de la microélectronique et des technologies de la communication (IPCEI ME/CT). La Commission a déclaré que le programme vise à couvrir l'ensemble de la chaîne de valeur, depuis les matériaux et les outils jusqu'à la conception des puces et aux processus de fabrication. Selon un communiqué de presse de la Commission, cette initiative devrait impliquer 56 entreprises, y compris des PME et des startups, qui entreprendront 68 projets entre elles.
En outre, le financement prend la forme d'un financement public de 8,1 milliards d'euros (8,7 milliards de dollars) de la part des États membres de l'UE, ce qui devrait permettre de débloquer 13,7 milliards d'euros (14,7 milliards de dollars) d'investissements privés supplémentaires. Environ 8 700 emplois directs devraient être créés grâce à ce programme, et "beaucoup plus d'emplois indirects. Les 68 projets font partie d'un écosystème IPCEI ME/CT plus large impliquant plus de 30 participants associés, dont des universités, des organismes de recherche et des entreprises de toute l'UE. Rappelons que la Norvège n'est pas un État membre de l'UE.
Cependant, elle est liée à l'UE par le biais de l'Espace économique européen (EEE). Cela soulève la question de savoir pourquoi le Royaume-Uni n'est pas impliqué si la Norvège l'est. L'absence du Royaume-Uni pourrait toutefois s'expliquer par le fait que le gouvernement britannique a publié récemment sa propre stratégie en matière de semiconducteurs, attendue de longue date. Cela est intervenu après que le fondateur d'ARM a vivement critiqué le Royaume-Uni l'année dernière, affirmant que le pays n'avait aucune chance d'être autonome sur le plan technologique, car il n'avait aucune stratégie pour réduire la dépendance à l'égard d'autres pays.
« Dans le cadre de l'IPCEI, les entreprises - dont de nombreuses PME - développeront des technologies de dispositifs innovants, notamment des processeurs dédiés, des puces d'IA, des circuits intégrés programmables (FPGA), des mémoires embarquées, des chiplets, des interconnexions optiques ainsi que des équipements et des matériaux, afin de soutenir le développement d'applications innovantes pour les secteurs des communications, de l'automobile, de l'automatisation industrielle et de l'IdO grand public, ainsi que de l'IA, de l'informatique de pointe et d'autres marchés », explique la Commission. Le programme investira par exemple dans :
- l'accélération du développement d'une chaîne d'approvisionnement européenne pour les composants nécessaires aux équipements de communication ainsi qu'aux applications radars et spatiales. Le développement de capacités de connectivité cybersécurisées et la préparation des normes 5G/6G feront partie de ces efforts ;
- la préparation de l'Europe au déploiement des véhicules électriques, notamment pour mettre en place des capacités de conception et de fabrication de dispositifs et de substrats de nouvelle génération pour la gestion de l'énergie, ainsi que de capteurs environnementaux, de radars et d'ordinateurs embarqués nécessaires à des fonctions de conduite hautement automatisées ;
- la mise au point de puces d'IA de nouvelle génération, combinant les atouts de l'analogique et du numérique, de l'informatique à faible consommation et des nouvelles générations de capteurs optiques, ouvrira la voie à de nouveaux marchés dans les domaines de l'IA de pointe, de l'automatisation industrielle et au-delà.
« Cette IPCEI est une nouvelle preuve que l'EU Chips Act déclenche déjà des investissements publics et privés considérables dans toute la chaîne de valeur européenne des semiconducteurs, des matériaux à la conception, de l'équipement à l'emballage avancé », a déclaré le commissaire européen au marché intérieur, Thierry Breton. Il a ajouté qu'il s'agissait d'un investissement dans le leadership technologique et industriel de l'Europe en matière de semiconducteur, tout en garantissant la sécurité de l'approvisionnement et la sécurité économique. Selon la Commission, les premiers fruits des différents projets pourraient être commercialisés dès 2025.
En outre, l'achèvement du projet global est prévu pour 2032 ; les délais varieront en fonction du projet et des entreprises impliquées. Comme souligné plus haut, l'EU Chips Act fait suite à un projet de loi des États-Unis (US Chips and Science Act) visant à investir 52 milliards de dollars dans leur industrie des semiconducteurs. Avec le financement annoncé jeudi, l'UE tente de rattraper les États-Unis et l'Asie et de lancer une révolution industrielle verte. Selon les responsables de l'UE, notamment de la Commission européenne, ce nouveau plan de subvention permettra d'accroître la production de puces et d'accélérer la transition énergétique.
Les entreprises asiatiques, en particulier celles de Chine et de Taïwan, dominent actuellement la fabrication et l'exportation de puces électroniques. Cela dit, un récent rapport du South China Morning Post indique que les importations chinoises de puces sont en baisse de 20 % depuis le début de l'année. Le média attribue la baisse des échanges avec la Corée, Taïwan et le Japon à la guerre des puces qui se poursuit avec Washington. Toutefois, il note également que le marché mondial des semiconducteurs est aux prises avec un ralentissement cyclique qui a été aggravé par une hausse de l'inflation dans de nombreux pays.
Cela a probablement eu un impact aussi important, sinon plus, que les sanctions américaines. Ironiquement peut-être, Bloomberg signale également que les importations américaines de puces ont chuté de 16 % au cours du seul mois d'avril, de sorte que l'impact ne semble pas être à sens unique. Les importations en provenance de Taïwan ont augmenté de 5 % cette année et celles en provenance de Corée du Sud de 7,5 %, mais celles en provenance du Japon ont chuté.
Source : Communiqué de presse de la Commission européenne
Et vous ?
Quel est votre avis sur le sujet ?
Le montant de 22 milliards d'euros est-il suffisant pour soutenir les ambitions de l'UE avec le Chips Act ?
Que pensez-vous des domaines qui bénéficieront du financement de l'UE ?
Ces domaines permettront-ils à l'UE d'atteindre la souveraineté technologique qu'elle poursuit ?
Voir aussi
L'UE s'attaque aux États-Unis et à l'Asie avec un plan de subvention des puces électroniques de 43 milliards d'euros, mais l'UE pourrait avoir du mal à combler le fossé qui la sépare de ses rivaux
Le fondateur d'Arm affirme que le Royaume-Uni n'a aucune chance d'être autonome sur le plan technologique, le gouvernement n'a aucune stratégie pour réduire la dépendance à l'égard d'autres pays
L'UE pourrait avoir des difficultés à financer la loi sur les puces de 48 milliards de dollars, car les fonds disponibles seraient déjà alloués à d'autres projets
L'UE se fixe pour objectif 2030 de produire des semiconducteurs de pointe, tandis que le Sénat US envisage un financement de 30 milliards $ pour stimuler le secteur de la fabrication de puces