L'année dernière, le groupe technologique allemand Bosch avait annoncé qu'il investirait 3 milliards d'euros dans la production de puces électroniques d'ici 2026. Cette initiative vise à soutenir la relance de l'industrie des semiconducteurs dans l'UE. Environ un an après, Bosch a annoncé cette semaine qu'il allait créer une coentreprise avec TSMC, Infineon et NXP dans le but de construire une usine de fabrication de puces à Dresde, en Allemagne, d'ici le second semestre de l'année prochaine. Selon un communiqué de presse conjoint des entreprises, la coentreprise portera le nom suivant : European Semiconductor Manufacturing Company (ESMC) GmbH.
ESMC sera détenue à 70 % par TSMC, Bosch, Infineon et NXP détenant chacun une participation de 10 %. Les investissements totaux devraient dépasser 10 milliards d'euros (10,97 milliards de dollars) grâce à des injections de capitaux, à des emprunts et à un soutien important de la part de l'Union européenne et du gouvernement allemand. ESMC marque une étape importante dans la construction d'une usine de fabrication de puces destinée à répondre aux futurs besoins de capacité des secteurs automobile et industriel en pleine croissance. La décision finale d'investissement est subordonnée à la confirmation du niveau de financement public de ce projet.
L'usine ESMC devrait avoir une capacité de production mensuelle de 40 000 plaquettes de 300 mm utilisant les procédés CMOS plantaires de 28/22 nanomètres et FinFET (un type de transistor à effet de champ qui présente une fine ailette verticale au lieu d'être complètement planaire) de 16/12 nanomètres de TSMC. L'initiative vise à renforcer l'écosystème européen de fabrication de puces grâce à la technologie avancée des transistors FinFET et devrait créer environ 2 000 emplois directs dans le domaine de la haute technologie. Selon le communiqué de presse conjoint des entreprises, la nouvelle usine de Dresde sera exploitée par TSMC.
Le projet est prévu dans le cadre de la loi sur les puces électroniques de l'Union européenne (EU Chips Act). Dans le cadre de cette loi, l'UE s'est engagée à investir 43 milliards d'euros (47 milliards de dollars) en investissements publics et privés dans la fabrication de semiconducteurs en Europe. À l'instar de la législation "CHIPS and Science Act" adoptée aux États-Unis, la loi européenne vise à stimuler la fabrication de semiconducteurs dans les pays européens et à réduire la dépendance à l'égard de la production étrangère de semiconducteurs. Cela devrait permettre d'alléger la pression sur la chaîne d'approvisionnement en semiconducteurs.
En 2000, l'Europe était l'un des principaux producteurs de semiconducteurs et abritait près de 25 % de la capacité de production mondiale. Aujourd'hui, la production est tombée à 8 %. Un déclin encore plus radical s'est produit dans la technologie de pointe des puces, la part de marché passant de 19 % en 2000 à zéro aujourd'hui. L'UE s'est fixé comme ambition stratégique de plus que doubler sa part dans la fabrication de semiconducteurs pour atteindre 20 % d'ici à 2030. Bien que tout le monde s'accorde sur ce point, le désaccord sur la bonne stratégie à adopter pour atteindre cet objectif divise les dirigeants politiques et économiques européens.
Le renforcement de la technologie de pointe des semiconducteurs peut apporter à l'Europe des avantages économiques considérables. Selon les experts, une usine de fabrication de semiconducteurs de pointe génère des retombées économiques plus de deux fois supérieures à l'investissement initial. Cela pourrait également offrir de nouvelles opportunités commerciales et constituer un terreau fertile pour les jeunes pousses locales. En outre, les experts estiment également que la fabrication de puces avancées en Europe renforcerait la souveraineté technologique de la région et améliorerait la résilience de la chaîne d'approvisionnement.
Les opérations de fabrication européennes souffrent actuellement d'un désavantage en termes de coût total de possession par rapport à d'autres régions, notamment en Asie. Certaines études soulignent que sur dix ans, l'exploitation d'une nouvelle usine de pointe en Europe coûterait 30 % de plus qu'en Corée du Sud et plus de 40 % de plus qu'à Taïwan. Les principales différences résideraient dans les incitations régionales, les coinvestissements et les subventions. Si elle ne change pas le statu quo, l'Europe perdra encore plus de sa position mondiale. La loi EU Chips Act à changer les choses en incitant les entreprises à s'installer dans l'UE.
« L'Europe est un endroit très prometteur pour l'innovation dans le domaine des semiconducteurs, en particulier dans les secteurs de l'automobile et de l'industrie. Nous sommes impatients de donner vie à ces innovations sur notre technologie de silicium avancée avec les talents européens », a déclaré le Dr CC Wei, PDG de TSMC. En juin, le géant américain de l'industrie des semiconducteurs Intel a annoncé qu'il porterait à 30 milliards d'euros (33 milliards de dollars) son investissement dans une future usine de fabrication de semiconducteurs à Magdebourg, en Allemagne. L'initiative s'inscrit dans le cadre de l'expansion de ses activités en Europe.
Pour s'installer, Intel entend également bénéficier des subventions de l'UE et du gouvernement allemand. Toutefois, certains critiques craignent que la plus grande part des subventions de l'UE aille aux gros bonnets. Selon ces derniers, cela pourrait nuire à l'innovation et empêcher le développement des jeunes pousses. Mais l'UE a déclaré qu'elle encouragerait tout particulièrement la participation des petites entreprises et des entreprises mal desservies, et qu'il favoriserait les partenariats entre les grandes et les petites organisations. D'un autre côté, certains pensent qu'il serait difficile pour les petites entreprises de prétendre aux subventions de l'UE.
« Les usines de fabrication de semiconducteurs coûtent des milliards. Quels rôles les petites entreprises pourraient-elles jouer, si ce n'est en tant que contractant, fournisseur, etc. pour les grandes ? », peut-on lire dans les commentaires. Le même problème se pose aux États-Unis où les acteurs de l'industrie des puces semblent divisés sur la stratégie en matière d'octroi des subventions et des prêts prévus par le CHIPS and Science Act.
Sources : TSMC, NXP
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