La guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis dure depuis plus d'une décennie, mais s'est accentuée avec l'arrivée de Donal Trump au pouvoir. Les États-Unis ont accusé la Chine de porter atteinte à leur sécurité nationale à travers des campagnes de piratage et des équipements technologiques intégrant des portes dérobées destinées à l'espionnage. De nombreuses entreprises chinoises de premier plan, telles que Huawei, ont lourdement payé les frais de ce conflit et les États-Unis ont mis en place des restrictions sur les exportations vers la Chine. De son côté, la Chine semble répondre en s'appuyant également sur l'argument de la sécurité nationale.
Le pays communiste d'Asie a mis en place cet été des restrictions sur les exportations de métaux et de terres rares essentiels à la fabrication des semiconducteurs, évoquant des raisons de sécurité nationale, mais sans donner d'autres détails. En août, environ un mois après l'annonce de cette décision, les exportations chinoises de gallium et de germanium, deux minéraux rares essentiels à la fabrication de semiconducteurs, sont tombées à zéro. Selon des données publiées cette semaine par les services de douane chinois, en juillet, le pays aurait exporté 5,15 tonnes métriques de produits de gallium forgé et 8,1 tonnes métriques de produits de germanium forgé.
Bien que le germanium et le gallium soient considérés comme des minéraux, ils n'existent pas à l'état naturel. Ils sont des sous-produits du raffinage d'autres métaux. Le germanium est l'élément chimique utilisé dans les produits solaires et les fibres optiques, mais peut être également employé dans des applications militaires telles que les lunettes de vision nocturne. Le gallium quant à lui est utilisé pour fabriquer le composé chimique "arséniure de gallium" (composé de gallium et d'arsenic). Ce dernier sert à fabriquer des puces à radiofréquence pour les téléphones portables et les communications par satellite, ainsi que des semiconducteurs et des lasers.
Selon les analystes, ces restrictions risquent de poser des problèmes à long terme. Critical Raw Materials Alliance, une initiative de l'UE, estime que la Chine produit environ 80 % du gallium et 60 % du germanium dans le monde. Cependant, elle n'a vendu aucun de ces éléments sur les marchés internationaux le mois dernier, ce qui oblige les entreprises à chercher d'autres fournisseurs ou à attendre des dérogations de la part du ministère chinois du Commerce. Certaines sources indiquent que les achats ayant des minéraux chinois ont augmenté avant la date d'entrée en vigueur des restrictions. Ce pourrait expliquer l'absence d'exportations en août.
Interrogé sur l'absence d'exportations le mois dernier, He Yadong, porte-parole du ministère chinois du Commerce, a déclaré lors d'une conférence de presse jeudi que le ministère avait reçu des demandes de la part d'entreprises souhaitant exporter les deux matériaux. « Certaines demandes ont été approuvées », a-t-il déclaré, sans donner plus de détails. Les restrictions sont entrées en vigueur le 1er août et obligeant les exportateurs à demander une licence pour expédier les composés de gallium et de germanium. Les demandes de licences d'exportation doivent identifier les importateurs et les utilisateurs finaux et préciser l'usage qui sera fait de ces métaux.
Ces restrictions témoignent de la volonté apparente de la Chine de prendre des mesures de rétorsion à l'encontre des contrôles des exportations américaines, malgré les inquiétudes concernant la croissance économique, alors qu'une guerre technologique se profile à l'horizon. Toutefois, les analystes estiment que la restriction des exportations est une "arme à double tranchant" qui pourrait nuire à l'économie chinoise et accélérer le déplacement des chaînes d'approvisionnement hors du pays. La Chine est peut-être le leader de l'industrie dans la production des deux éléments, mais les analystes d'Eurasia Group affirment qu'il existe d'autres producteurs.
Dans un rapport publié en juillet, ils ont également déclaré qu'il existe des substituts disponibles pour les deux matériaux. En attendant, l'impact de l'effondrement des exportations chinoises se fait déjà sentir au niveau national. Les prix du gallium ont chuté en Chine, les contrôles à l'exportation ayant entraîné une augmentation des stocks. Selon les informations du Shanghai Metal Market, jeudi, le prix au comptant du gallium s'élevait à 1 900 yuans (260 dollars) la tonne métrique, soit une baisse de près de 20 % par rapport au début du mois de juillet. Le prix au comptant du germanium a légèrement augmenté en raison de l'insuffisance de l'offre.
Cette mesure de la Chine a intensifié la guerre technologique avec les États-Unis pour savoir qui a accès aux technologies de pointe en matière de fabrication de puces, qui sont essentielles pour tout ce qui concerne les smartphones, les voitures autonomes et la fabrication d'armes. En octobre dernier, l'administration Biden a dévoilé une série de mesures de contrôle des exportations interdisant aux entreprises chinoises d'acheter des puces avancées et des équipements de fabrication de puces. Les achats nécessitent désormais d'avoir une licence. Mais pour que la campagne de Washington soit couronnée de succès, d'autres pays doivent y participer.
Le Japon et les Pays-Bas se sont joints à l'effort au début de l'année, réduisant davantage les exportations de puces vers la Chine. Washington envisage également de restreindre l'accès de la Chine aux services américains de cloud computing pour l'empêcher de louer des GPU avancées, comme les accélérateurs A100 et H100 de Nvidia, afin de combler ses lacunes en matière de puces d'IA. Pékin a riposté aux restrictions de Washington en lançant une enquête sur la cybersécurité du fabricant américain de puces Micron au début de l'année, avant de lui interdire de vendre à des entreprises chinoises travaillant sur des projets d'infrastructure clé.
Toutefois, en dépit des sanctions des États-Unis, Huawei a présenté le mois dernier le smartphone Mate 60 Pro, ce qui a provoqué une onde de choc dans le monde de la technologie. Ce modèle est équipé d'une puce avancée, créée malgré des sanctions américaines visant à empêcher le géant chinois de la technologie d'accéder à ce type de technologie. La sortie du Mate 60 Pro a créé une pression politique pour que les États-Unis renforcent les sanctions contre Huawei et le fabricant chinois de puces SMIC (Semiconductor Manufacturing International Corp.). Ce dernier aurait fabriqué la puce avancée qui pilote le nouveau smartphone Mate 60 Pro.
En 2021, les États-Unis et leurs alliés ont annoncé leur intention de vouloir construire une chaîne d'approvisionnement technologique sans la Chine pour soutenir les industries des puces, des batteries et des minéraux des terres rares. Selon le président américain Joe Biden, cela devrait permettre de remédier aux vulnérabilités des chaînes d'approvisionnement dans les secteurs critiques de l'économie. L'objectif de Biden est de développer des chaînes d'approvisionnement moins dépendantes de la Chine pour les puces et autres produits importants. Il devrait le faire en partenariat avec Taïwan et des pays comme le Japon et la Corée du Sud.
Mais de nombreux rapports ont souligné que l'industrie chinoise des puces est en plein essor et qu'elle pourrait rattraper son retard sur les États-Unis dans un avenir proche. Cependant, les experts mettent en garde contre les restrictions arbitraires qui pourraient accentuer les problèmes des chaînes d'approvisionnement mondiaux, en particulier, celle des semiconducteurs. Cela risquerait d'aggraver la pénurie de puces, qui peine à être résolue, et ralentir l'innovation technologique.
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Comment l'Europe peut-elle s'assurer un approvisionnement continu de ces minéraux et assurer sa souveraineté technologique ?
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