Les États-Unis ont déployé des efforts considérables et mis en œuvre de nombreuses politiques afin d'empêcher la Chine d'accéder aux puces de dernière génération et aux machines-outils pour la lithographie. Le but de Washington est de ralentir l'industrie chinoise des puces et l'industrie technologique chinoise dans son ensemble. Mais des rapports parus ces dernières années ont révélé que les restrictions américaines n'ont eu que peu d'effets, voire pas du tout. L'industrie chinoise des puces a continué à se développer et certaines entreprises chinoises battent même des records sur le marché mondial des puces.
Toutefois, l'industrie chinoise des puces a encore des difficultés à innover et manque des technologies nécessaires pour fabriquer les puces de dernière génération destinées aux cas d'utilisation tels que l'IA. À ce propos, l'une des choses qui ont peut-être aidé les entreprises technologiques chinoises ces dernières années est la contrebande de puces. Un nouveau rapport publié par les autorités sud-coréennes révèle l'existence d'une entreprise locale surnommée "Société A" qui a passé au moins trois à expédier "clandestinement et illégalement" des puces stratégiques américaines de dernière génération vers la Chine.
Selon le rapport, d'août 2020 à août 2023, la société A a acheté légalement des puces fabriquées aux États-Unis et les a importées, également légalement, en Corée du Sud. Certaines de ces puces ont ensuite été acheminées en contrebande par avion vers la Chine en 144 voyages individuels, simplement en ne les déclarant pas à la douane. Bien que de nombreux contrebandiers de moindre envergure aient déjà tenté d'introduire en Chine des processeurs et des processeurs graphiques (GPU) grand public, cette opération concernait des puces fabriquées pour convertir des signaux analogiques en signaux numériques.
En tout, l'entreprise aurait acheminé vers la Chine 96 000 puces d'une valeur de 11,6 millions de dollars, dont 53 000 puces stratégiques d'une valeur de 8,8 millions de dollars. Il s'agirait de la plus grosse opération de trafic de puces à ce jour. Les puces en question, produites par une société américaine, ne sont fournies au niveau national que par l'intermédiaire de distributeurs coréens officiels, qui exigent un certificat d'utilisateur final et un engagement de non-réexportation de la part de l'importateur. Ainsi, l'importation par des entités autres que l'utilisateur final, comme dans le cas de société A, est normalement impossible.
Comme ces puces pourraient être utilisées pour fabriquer des armes de destruction massive, elles font l'objet de restrictions à l'exportation et à l'importation depuis 2020. Les exportations vers la Chine et Hong Kong seraient même interdites. Selon le rapport d'enquête des autorités sud-coréennes, la société A a contourné ces restrictions en demandant à des entreprises nationales de développement d'équipements de télécommunications d'importer plus de puces électroniques que nécessaire par l'intermédiaire de distributeurs coréens officiels, puis a obtenu l'excédent pour le faire passer en contrebande vers la Chine.
Les puces ont ensuite été reconditionnées en petites quantités et déguisées en échantillons pour être expédiées en Chine sans avoir obtenu l'autorisation d'exportation nécessaire du ministre du Commerce, de l'Industrie et de l'Énergie. Il s'agirait de l'opération de contrebande la plus importante jamais démantelée en matière de valeur, et probablement aussi en matière de quantité. Le précédent record en la matière était une tentative de contrebande d'unités centrales, de disques SSD et d'autres produits électroniques d'une valeur de 4 millions de dollars, de Hong Kong vers la Chine. Mais cela s'est soldé par un échec.
Cette opération sud-coréenne se distingue de la la plupart des autres par le fait que les marchandises ont toutes été passées en contrebande avec succès et que le crime n'a été découvert que plusieurs mois après sa conclusion. Alors que le PDG et les cadres de la société A devront probablement faire face à de graves conséquences, les puces sont vraisemblablement utilisées à des fins inconnues jusqu'à présent, peut-être même à l'intérieur d'armes de destruction massive, comme le craint Washington. Le bureau principal des douanes de Séoul a annoncé avoir arrêté et déféré le PDG et les cadres de la société A.
Selon le média local, BusinessKorea, qui a rapporté la nouvelle pour la première fois, le PDG et les cadres de la société A seraient accusés d'avoir violé la loi sur le commerce extérieur, la loi sur les douanes et la loi sur la réglementation de la dissimulation des produits criminels. Cette nouvelle fait écho à un récent rapport selon lequel la Chine est parvenue à rentrer en possession des puces Nvidia A100 et H100 malgré les restrictions et les interdictions mises en place par les États-Unis. Ces puces, notamment la puce H100, sont deux des matériels électroniques les plus convoités à l'heure actuelle par les entreprises d'IA.
Reuters, qui a analysé des documents d'appel d'offres, les puces Nvidia expédiées en Chine seraient destinées à des organismes militaires chinois, des instituts de recherche sur l'IA gérés par l'État et des universités. (Le mois dernier, Washington a ordonné à Nvidia de cesser la conception de puces pour la Chine, ainsi que l'exportation de puces de dernière génération vers ce pays.) Rien ne permet de prouver ces allégations, mais l'opération démantelée par les autorités sud-coréennes montre que ce trafic existe et qu'elle peut être menée à une grande échelle.
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