
ainsi que l'industrie américaine de fabrication de puces électroniques de pointe
Lip-Bu Tan, fraîchement nommé PDG d’Intel, a dévoilé une lettre stratégique adressée aux employés, dans laquelle il annonce des mesures drastiques pour redresser l’entreprise. Au programme : réduction de 15 % des effectifs, réorganisation radicale de la hiérarchie, recentrage sur trois priorités stratégiques, et un message clair : la complaisance est terminée.
Ce plan de transformation, baptisé sobrement « Steps in the Right Direction » (littéralement « Des pas dans la bonne direction »), a pour objectif de sortir le géant américain du semi-conducteur de ce que Tan nomme lui-même « une décennie de mauvaise gestion, d’investissements irréfléchis et d’ambitions mal calibrées ».
C'est dans ce contexte que l'ancien PDG d'Intel, Craig Barrett, a sonné l'alarme, proposant un plan audacieux pour ramener le géant des semi-conducteurs au sommet et, par la même occasion, sauver la capacité des États-Unis à fabriquer des puces de pointe. Alors que la suprématie d'Intel est mise à l'épreuve par des concurrents asiatiques comme TSMC et Samsung, le diagnostic de Barrett est sans appel : il s'agit d'une crise existentielle, tant pour l'entreprise que pour la sécurité technologique nationale.
Confronté à des défis sans précédent, notamment un retard significatif dans le domaine de l'intelligence artificielle (IA) et une chute de son classement parmi les entreprises de semi-conducteurs, le groupe est désormais sous la houlette d'un nouveau PDG, Lip-Bu Tan, dont la mission est claire : redresser la barre avec détermination et discipline. Une de ses premières actions marquantes est l'annonce d'une réduction drastique des effectifs, comme détaillé dans une lettre récente aux employés.
Dans une note envoyée aux employés le 24 juillet 2025, Lip-Bu Tan a abordé les résultats du deuxième trimestre 2025, qui, bien que montrant un chiffre d'affaires supérieur aux prévisions, reflètent une période de « décisions difficiles mais nécessaires ». Au cœur de ces décisions se trouve un plan de réduction des effectifs d'environ 15 %, visant à ramener la main-d'œuvre mondiale à quelque 75 000 employés d'ici la fin de l'année. Cette restructuration inclut également une rationalisation de près de 50 % des couches de management, une mesure significative pour aplatir l'organisation et accroître l'efficacité.
Tan a souligné trois piliers stratégiques pour l'avenir d'Intel : discipline financière, écosystème x86 et IA
Intel ne se contente pas de couper dans ses effectifs. Lip-Bu Tan veut réorienter la stratégie du groupe autour de trois piliers :
1. Devenir une fonderie plus rigoureuse sur le plan financier
Nous adopterons une approche fondamentalement différente pour développer notre activité de fonderie. Au cours des dernières années, l'entreprise a trop investi, trop tôt, sans demande suffisante. Ce faisant, notre empreinte industrielle s'est inutilement fragmentée et sous-utilisée. Nous devons corriger le tir. À l'avenir, nous adopterons une approche systématique pour développer notre empreinte industrielle, en parfaite adéquation avec les besoins de nos clients. Nous ferons preuve de discernement et de discipline dans l'allocation de nos capitaux, car c'est ainsi que fonctionnent les grandes fonderies.
Dans cette optique, nous avons décidé de ne pas donner suite aux projets précédemment prévus en Allemagne et en Pologne. Nous prévoyons également de regrouper nos activités d'assemblage et de test au Costa Rica vers nos sites plus importants au Vietnam et en Malaisie. Le Costa Rica reste un site Intel important et de grande envergure, qui abrite des équipes d'ingénieurs et des fonctions corporate clés.
2. Revitaliser l'écosystème Intel x86
Nous allons nous concentrer sur l'augmentation de notre part de marché dans nos segments clés que sont les clients et les serveurs. À cette fin, je travaille en étroite collaboration avec nos équipes produit et ingénierie afin de renforcer notre feuille de route.
Dans le domaine des clients, Panther Lake est notre priorité absolue, car il renforcera notre position dans le secteur des ordinateurs portables grand public et professionnels. Nous devons également poursuivre nos efforts sur Nova Lake afin de combler les lacunes dans le domaine des ordinateurs de bureau haut de gamme.
3. Affiner notre stratégie en matière d'IA
Nous concentrerons nos efforts en matière d'IA sur le développement d'une stratégie cohérente en matière de silicium, de systèmes et de piles logicielles. Par le passé, nous avons abordé l'IA avec une approche traditionnelle, centrée sur le silicium et la formation. Cela doit changer, et nous avons déjà commencé à développer de nouvelles capacités tout en attirant de nouveaux talents.
Au fur et à mesure de cette transition, nous concentrerons nos efforts sur les domaines dans lesquels nous pouvons innover et nous différencier, comme l'inférence et l'IA agentielle. Notre point de départ sera les charges de travail émergentes en matière d'IA, puis nous travaillerons en amont pour concevoir des logiciels, des systèmes et des composants électroniques qui permettront d'obtenir les meilleurs résultats pour nos clients. Nous avons beaucoup de travail en cours et nous vous en dirons plus sur nos projets dans les mois à venir.
Intel, au cœur du bras de fer technologique États-Unis / Chine
Le contexte rend l’affaire explosive. Intel est l’un des principaux bénéficiaires du CHIPS and Science Act, un programme fédéral qui lui permettrait de bénéficier d'une dizaine de milliards de dollars de subventions et crédits fiscaux pour relocaliser la production de puces avancées aux États-Unis. Concrètement, la loi alloue 52,7 milliards de dollars à la recherche sur les semiconducteurs, à la fabrication et au développement de la main-d'œuvre aux États-Unis. Elle est perçue comme l'une des principales réalisations en matière de législation de la présidence Biden. Plusieurs entreprises en ont déjà bénéficié. Dans le cadre de ce programme par exemple, Intel a reçu une aide de 3,5 milliards de dollars du gouvernement américain pour la fabrication de puces destinées à l'armée. Le financement, qui s'étalerait sur trois ans, est destiné au programme « secure enclave ».
Mais Trump a tenté de mettre un terme au CHIPS Act.
Selon lui, cette loi est tout simplement « horrible ». « Vous devriez vous débarrasser du CHIPS Act, et tout ce qui reste, Monsieur le Président, vous devriez l'utiliser pour réduire la dette », a-t-il déclaré devant le Congrès. Donald Trump accuse les bénéficiaires du CHIPS Act de prendre des centaines de milliardaires de dollars du contribuable américain et de ne pas dépenser cet argent pour réaliser les projets initialement prévus. Il propose que le CHIPS Act soit abrogé et que son enveloppe soit réorientée vers la dette nationale.
« Votre CHIPS Act est une chose horrible, horrible. Nous donnons des centaines de milliards de dollars et cela ne sert à rien. Ils prennent notre argent et ne le dépensent pas », a déclaré Donald Trump. Pour contraindre les entreprises à installer des usines et à fabriquer leurs puces aux États-Unis, il veut miser sur les droits de douane. En mars, il a menacé d'imposer des droits de douane de 25 % sur toutes les importations de semiconducteurs dès le 2 avril 2025.
Il a également menacé d’imposer des tarifs douaniers allant jusqu’à 100 % sur les importations de semi-conducteurs chinois. Le soupçon que le patron d’Intel puisse avoir des affinités économiques avec Pékin va donc à l’encontre de cette ligne dure.
Pour Intel, la situation est délicate : l’entreprise tente depuis plusieurs années de rattraper son retard technologique face à des rivaux comme TSMC et Nvidia, tout en reconstruisant sa crédibilité auprès des investisseurs et des pouvoirs publics américains. Une crise politique majeure autour de sa gouvernance risque de ralentir cette remontée.
Craig Barrett (ex-PDG d’Intel) propose un plan ambitieux pour préserver la souveraineté technologique des États-Unis
Dans une tribune publiée dans Fortune, Barrett propose un modèle unique de financement : les huit plus gros clients d’Intel (Apple, Google, Nvidia, etc.) investiraient chacun 5 milliards USD. En échange, ils obtiendraient un approvisionnement garanti, une meilleure négociation tarifaire, et une source alternative aux usines de fabrication (fabs) asiatiques. Il met en garde : ni TSMC, ni Samsung n’envisagent de transférer leurs technologies de pointe aux États-Unis à court terme
Barrett critique la stratégie actuelle consistant à attendre des commandes clients avant d’investir dans le procédé 14A, la qualifiant de « plaisanterie ». Il appuie l’idée que l’avance technologique nécessite des investissements anticipés, notamment en lithographie EUV High-NA et en alimentation par l’arrière (backside power delivery). Pour encourager la demande intérieure, Barrett propose l’instauration de droits de douane allant jusqu’à 50 % sur les puces avancées importées, à l’instar des mesures applicables au secteur de l’acier et de l’aluminium.
Ce volet du plan suscite le plus de débats. Les critiques soulignent qu'un tel tarif pourrait ne pas suffire à convaincre les clients de choisir Intel. Si une entreprise comme Apple ou Nvidia a besoin des puces les plus avancées pour ses produits, elle pourrait être prête à payer le coût supplémentaire des tarifs pour obtenir la meilleure technologie de TSMC, car l'alternative d'Intel ne serait peut-être pas à la hauteur en termes de performances ou de maturité.
Alors que certains membres du conseil d’administration avaient suggéré de séparer les activités de conception (design) et de fabrication (foundry), Barrett s’y oppose fermement. Selon lui, ce n’est pas une question de structure, mais d’accès au capital.

L'ancien PDG d'Intel, Craig Barrett
En conclusion
Le plan de Craig Barrett n'est pas qu'un simple projet de restructuration d'entreprise ; c'est un appel à l'action pour la préservation de la souveraineté technologique américaine. L'avenir d'Intel, et par extension celui de l'industrie des semi-conducteurs aux États-Unis, dépendra de la capacité de l'entreprise à exécuter avec succès ses nouveaux projets, notamment sa fonderie Intel Foundry Services et sa technologie de pointe comme le nœud 18A.
Craig Barrett propose une approche audacieuse, fondée sur l’innovation proactive, la collaboration avec les clients-clés, et une protection ciblée du marché intérieur. Il considère qu’Intel ne peut pas se relancer – et contribuer à la résilience technologique du pays – sans une injection massive de capitaux et une stratégie industrielle claire.
Source : tribune de Craig Barrett
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