Intel connaît une situation difficile et son poids sur le marché mondial des semiconducteurs diminue rapidement. L'ancien PDG Pat Gelsinger déplore ce qu'il considère comme un profond déclin des compétences fondamentales du géant des puces électroniques. Il attribue les difficultés actuelles d'Intel à une combinaison d'erreurs stratégiques, d'échecs de la direction, d'une incapacité à s'adapter à l'évolution rapide de la technologie des semiconducteurs, ainsi qu'à la mise en œuvre « hideuse » du CHIPS Act. Les remarques de Pat Gelsinger mettent en évidence les difficultés rencontrées par une entreprise autrefois synonyme d'innovation pour retrouver ses marques.Pat Gelsinger a démissionné brusquement en décembre 2024 après un mandat tumultueux. Son départ de la direction d'Intel est survenu alors qu'il menait des efforts pour remodeler l'industrie américaine des semiconducteurs et restaurer Intel dans sa position de leader. Des rapports ont souligné qu'il a été poussé vers la sortie pour performances insuffisantes, mais la situation ne s'est pas améliorée depuis son départ. Au contraire, elle semble s'empirer.
Dans une récente sortie, Pat Gelsinger n'a pas mâché ses mots au sujet de la situation actuelle d'Intel. Il a formulé ses remarques lors d'une récente interview accordée au Financial Times. Il a évoqué la perte de vitesse d'Intel et l'absence de décisions stratégiques qui a conduit à ce désastre.
Sa critique va au-delà des plaintes superficielles, elle s'intéresse à l'érosion des compétences techniques d'Intel. Il affirme que des années passées à privilégier les gains financiers à court terme au détriment des investissements techniques à long terme ont sapé la capacité de l'entreprise à concevoir et à fabriquer des puces de pointe. Il ne s'agit pas seulement d'opportunités manquées, comme le retard pris par Intel dans le domaine des accélérateurs IA.
(Ce segment est largement dominé par Nvidia.) Selon Pat Gelsinger, il s'agit d'un échec systémique, où l'inertie bureaucratique a étouffé l'ingénierie audacieuse qui a défini l'apogée d'Intel sous la direction de dirigeants comme Andy Grove. Pat Gelsinger a donné quelques exemples spécifiques, notamment les retards dans les progrès technologiques qui ont fait prendre à Intel plusieurs générations de retard sur le géant géant taïwanais des puces TSMC.
Une érosion progressive des compétences techniques chez Intel
Les commentaires de Pat Gelsinger font écho aux frustrations plus générales de l'industrie, où le soutien fédéral a mis du temps à se traduire par des gains tangibles en matière de fabrication, laissant les entreprises américaines vulnérables dans une course mondiale de plus en plus dominée par les grosses fonderies asiatiques. De retour chez Intel en 2021, après plus d'une décennie d'absence, Pat Gelsinger a présenté un plan de relance de l'entreprise.
Pat Gelsinger, ancien PDG d'Intel
Ce plan de 20 milliards de dollars visait à rétablir le leadership d'Intel dans le domaine de la fabrication. Intel ouvrirait ses fonderies et fabriquerait des puces pour d'autres entreprises. Cela dit, l'optimisme irrépressible de Pat Gelsinger semble avoir irrité les analystes. Sa lune de miel en tant que directeur général a pris fin assez rapidement lorsqu'il a publié des perspectives optimistes pour « le rebond d'Intel », qui ne se sont finalement pas concrétisées.
Les mégaclients pour la fonderie d'Intel ne se sont pas manifestés. Pat Gelsinger a évoqué « un déclin... plus profond et plus grave que je ne l'avais réalisé ». Au cours des cinq années qui ont précédé son retour, « aucun produit n'a été livré dans les délais ». « Les disciplines de base avaient été perdues ».
« C'est comme si nous ne savions plus comment concevoir des produits ! » Il a ensuite fallu « un peu plus de temps » que prévu à Intel pour mettre au point sa technologie de fabrication 18A, essentielle pour montrer qu'elle pouvait rivaliser avec TSMC. Signe de la chute vertigineuse d'Intel, TSMC a commencé à fabriquer certaines des puces d'Intel au moment où Pat Gelsinger a pris les rênes de l'entreprise, ce qui a eu un grand impact sur les marges.
D'autres anciens cadres d'Intel dénoncent le déclin d'un symbole
Les voix issues du passé légendaire d'Intel viennent renforcer l'évaluation de Pat Gelsinger. Craig Barrett, PDG d'Intel de 1998 à 2005, a présenté un plan de sauvetage mettant l'accent sur des injections massives de liquidités (environ 40 milliards de dollars) afin de maintenir l'entreprise à la pointe de la fabrication de semiconducteurs avancés. Selon Craig Barrett, ce plan permettrait aussi de sauver l'industrie américaine des semiconducteurs de pointe.
Dans une interview exclusive accordée à Fortune, Craig Barrett a souligné que si l'aide gouvernementale est utile, les véritables sauveurs doivent être des clients fortunés tels que Nvidia, Apple et Google (Alphabet), qui pourraient investir directement pour sécuriser les chaînes d'approvisionnement. Le plan de Craig Barrett met en évidence un thème récurrent : « le déclin d'Intel n'est pas soudain, mais plutôt le résultat de décennies de complaisance ».
Le point de vue de Craig Barrett rejoint les analyses qui retracent la chute d'Intel. Autrefois leader incontesté, Intel a vacillé à la suite d'une série d'erreurs, notamment un sous-investissement dans les puces mobiles et l'incapacité à se tourner vers les services de fonderie. En 2025, ces erreurs ont abouti à un investissement de 5 milliards de dollars de Nvidia dans Intel, une bouée de sauvetage qui met en évidence le désespoir d'Intel plutôt que sa force.
Pat Gelsinger dénonce une application « hideuse » du CHIPS Act
Pat Gelsinger a également critiqué la mise en œuvre du CHIPS Act du gouvernement américain, la qualifiant de « terrible » et estimant que la loi n'avait pas tenu ses promesses de revitalisation de la production nationale de puces. Malgré les milliards de dollars de subventions destinés à soutenir des entreprises comme Intel, Pat Gelsinger a souligné que les obstacles bureaucratiques et « plusieurs priorités inadaptées ont sapé l'impact de cette initiative ».
Le CHIPS Act a été adopté en 2022 sous l'administration Biden, avec un financement fédéral de 52,7 milliards de dollars pour aider à la relance de l'industrie américaine des semiconducteurs. Le but était de reconstruire une industrie des puces qui s'était enfuie en Asie au cours des dernières décennies. À titre d'exemple, ce financement fédéral devait stimuler des investissements privés massifs, tels que les usines récemment achevées par TSMC en Arizona.
Pat Gelsinger a fait pression sur les législateurs à Washington afin qu'ils adoptent le programme de subventions générationnel. Mais il a été frustré par la longueur du processus d'allocation des fonds publics. Pat Gelsinger dénonce une application « hideuse ». « Deux ans et demi plus tard, aucun argent n'a été versé ? J'ai trouvé cela scandaleux ! Et la façon dont cela a finalement été rejeté à la dernière minute. Cela m'a vraiment contrarié », a-t-il déclaré.
Pour mémoire, le président américain Donald Trump a qualifié le CHIPS Act de « chose horrible » et préfère les droits de douane aux subventions fédérales. Pat Gelsinger est ouvert à l'idée des droits de douane comme instrument de rééquilibrage des chaînes d'approvisionnement qui se sont déplacées vers l'Asie au cours des 40 dernières années. « La loi sur les puces électroniques était excellente, mais sa mise en œuvre a été désastreuse, a-t-il déclaré.
Intel laissé pour compte dans la course effrénée à l'IA générative
Le lancement canon de ChatGPT par OpenAI fin 2022 a déclenché une ruée vers la technologie. Nvidia est devenu le plus grand bénéficiaire du boom de l'IA grâce de la demande pour ses GPU de pointe nécessaire à la construction des grands modèles de langage (LLM). Selon les estimations, Nvidia détient près de 90 % des parts sur le marché des accélérateurs pour l'IA. AMD tente de faire de l'ombre à Nvidia. Intel, en revanche, a été laissé pour compte.
Pat Gelsinger lui-même a reconnu le retard pris par Intel dans le boom de l'IA pendant son mandat. Dans une interview après sa démission, il a décrit le marché de l'IA comme une « bulle » qui n'éclatera pas avant plusieurs années, mais dont les entreprises n'ont pas encore tiré de bénéfices concrets.
Cet aveu d'échec met en évidence les difficultés internes d'Intel, notamment le départ de dirigeants clés dans le domaine de l'IA, comme Sachin Katti, comme le détaille une note obtenue par The Channel Company. Le changement considérable au sein du groupe IA reflète une restructuration plus large de l'organisation, Intel s'efforçant de rattraper son retard dans un domaine où il était autrefois prometteur grâce à des acquisitions telles que Habana Labs.
Malgré son penchant pour le libre marché, Pat Gelsinger est ouvert à la récente prise de participation de 10 % du gouvernement fédéral américain dans Intel si cela peut contribuer à son succès. « Merci de revenir encore une fois sur l'histoire d'Intel », ajoute-t-il. D'autres critiquent cette initiative.
Les polémiques autour de la gestion éphémère de Pat Gelsinger
Selon un rapport, Pat Gelsinger a été évincé après que le conseil d'administration a perdu confiance dans ses projets d'amélioration d'Intel. Il aurait eu la possibilité de se retirer ou d'être démis de ses fonctions, et il a choisi de se retirer. Son mandat a été marqué par des pertes financières croissantes, des changements de direction et une intensification de la concurrence, notamment de la part de Nvidia, qui domine le marché des puces de pointe destinées à l'IA.
Intel a vu sa valorisation chuter de quelque 30 % au début du mois d'août 2024 à la suite de mauvais résultats financiers ; l'entreprise a révélé une perte nette de 1,6 milliard de dollars, contre un bénéfice de 1,5 milliard de dollars l'année précédente. En conséquence, la société a licencié 15 % du personnel, soit 15 000 personnes, pour réduire ses coûts. Par la suite, Intel a enregistré des pertes nettes s'élevant à 16,6 milliards de dollars au troisième trimestre 2024.
Le troisième trimestre 2024 a tout simplement été le pire de l'histoire du fabricant de puces. Des performances catastrophiques qui se constatent aussi à la bourse. Les actions d'Intel ont bondi à l'annonce du départ de Pat Gelsinger, mais elles se sont ensuite stabilisées à peu près au même niveau qu'avant l'annonce ; montrant l'incertitude persistante quant à l'avenir de l'entreprise, qui poursuit sa transition vers un modèle de fabrication de puces par des fonderies.
Pour rester compétitif dans ce domaine, Pat Gelsinger avait annoncé qu'Intel allait se séparer d'Intel Foundry en tant que filiale indépendante au sein d'Intel, tandis que la construction d'usines de fabrication de puces en Allemagne et en Pologne a été suspendue. Il avait déclaré : « le conseil d'administration et moi-même avons convenu qu'il nous restait beaucoup de travail à accomplir pour améliorer notre efficacité, notre rentabilité et notre...
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